24 Avril 2020
Tout avait commencé quand j’avais à peu près cinq ou six ans. Je posais énormément de questions comme tu l’as fait toi aussi. Et je me rappelle que papa et maman, donc tes grands parents faisaient partie d’un club de danse. Ils adoraient danser. Quand maman était occupé à la cuisine, ton grand-père me tenait par la main et me faisait tourner sur moi-même comme on voit dans les bandes dessinées. Ils sortaient assez souvent, je crois une fois par mois pour aller danser. Moi j’étais trop jeune pour les accompagner. Ce n’est pas l’envie qui manquait mais comme ils rentraient souvent tard, je me contentais de leur récit le lendemain au réveil.
Puis un soir, alors qu’elle sortait de la douche, ta grand-mère s’est foulée la cheville. J’avais à l’époque dix-sept ans. La douleur était telle qu’elle ne pouvait pas sortir danser mais ton grand-père était déjà habillé et l’attendait au salon avec beaucoup d’impatience. Je courus l’informer que maman avait un souci. Quand il monta les escaliers, il faillit fondre en larmes. Il avait rêvé depuis un bout de temps de passer cette soirée avec celle qui l’a toujours soutenu mais tout s’écroulait. En fait, il devait recevoir une médaille des mains du Ministre des Finances pour son implication dans l’installation de la cour des comptes. Il était tellement désolé qu’il commença à défaire son nœud papillon quand ta grand-mère lui posa la question :
Puis se tournant vers moi, ta grand-mère me demanda :
Elle disait tout cela devant ton grand-père en grimaçant un peu comme baby boss. Celui-ci essaya de la raisonner mais être têtue était un adjectif qualificatif qui s’appliquait à la perfection à ta grand-mère. Je courus m’habiller rapidement et vins rejoindre ton grand-père. Quand nous arrivâmes au lieu de réception, le chauffeur descendit ouvrir la portière à mon père qui me demanda de patienter et qu’il me fera signe pour que je sorte. Il y avait plein de journalistes qui prenaient des photos comme si nous étions au festival de Cannes. Il y avait un tapis rouge étalé à une dizaine de mètres de l’endroit où le chauffeur s’était arrêté. Après avoir ajusté les boutons de sa veste, ton grand-père me fit signe de descendre. J’avais le trac. Timidement je posai le pied droit à terre avant d’ajouter le second. Ton grand-père me tendit le bras et je m’y accrochai immédiatement. C’était tellement excitant finalement que je compris pourquoi il insistait pour aller avec ta grand-mère. C’était vraiment très important pour lui.
Nous avions franchi les marches qui menaient à la salle de réception comme un roi et une princesse. Je crois qu’il était au centre de toutes les attentions ce soir-là. Il se servit un verre de champagne sur un plateau présenté par un serveur. Moi j’eus droit à un verre de jus de fruits. Il serra des mains chaleureusement et me présenta fièrement comme sa deuxième chérie. Les compliments ne manquaient pas et à lui de leur rappeler que j’étais encore une gamine et qu’ils n’avaient pas le droit de poser leurs yeux sur moi. Peu de temps après, le ministre arriva et la soirée fut lancée.
Un récit de Martial Daté TEVI-BENISSAN
à Suivre...