ENTRE DEUX AMOURS - CHAPITRE 16 - INCERTITUDE ET CERTITUDE

La chose la plus précieuse que l’on ne peut rattraper une fois l’avoir perdue et qui manque, c’est le temps. Chantal et Richard avaient perdu du temps dans de petites querelles. Mais quoique nous fassions, le passé fera toujours partie de notre vie. Parfois il n’a pas tellement d’impact mais parfois ce petit impact n’est pas à prendre à la légère. Hervé était parti depuis presque un an. Et tout se passait bien. La date du mariage aussi avait été fixée et les préparatifs allaient bon train. Tout le monde spéculait sur les possibles parrains. Beaucoup misaient sur Hervé alors que certains juraient que ce serait une surprise car Hervé n’habitait plus Adjidoville.

Hervé eut écho du mariage et avait mal. Pas parce qu’il n’avait pas réussi à être l’heureux élu du cœur de la ravissante Chantal mais plutôt parce qu’il ne serait probablement pas au mariage de celui qui l’avait considéré pendant de nombreuses années comme un frère. Richard n’avait même pas osé lui en parler. D’ailleurs il ne lui avait envoyé le moindre message même professionnel depuis sa nomination et sa mutation loin d’Adjidoville. Les questions se faisaient pressantes envers le futur couple sur la question du témoin. La tension renaissait peu à peu. Chantal pouvait comprendre l’humeur de son fiancé et s’en voulait énormément. En effet, depuis l’épisode de son flirt avec Hervé, son Richard ne s’était plus lié d’amitié avec qui que ce soit. C’est vrai qu’il trouvait du temps pour qu’ils sortent un peu et échapper à la monotonie qui tue beaucoup de couples mais la réalité, c’est qu’elle manquait de confident. Richard bossait dur et beaucoup et s’endormait un peu vite le soir.

Mais comme on le dit, la vie sentimentale est un parcours de combattant. Il y a toujours des hauts et des bas, des trahisons, des secrets, des partages, des mensonges, des disputes et des réconciliations. Peut-être que tout cela était nécessaire pour mieux apprécier l’amour qui lie deux êtres. Et surtout pour apprécier l’amour véritable qui sort toujours vainqueur de ces épreuves et de toutes les situations qui se présentent. Plus le temps approchait, plus les deux futurs mariés se rendaient compte que vouloir se marier était très facile. Il suffit en effet seulement de dire OUI. Mais ce qui se cache dans ce OUI est tellement énorme que parfois on ressent des papillons dans le ventre au moment de s’engager. Tout restera intact autour de nous mais paraitront différents. Les compagnies, les loisirs ou la façon de s’éclater, et plein de choses changent.

Plus que deux mois pour la cérémonie, mais ils n’avaient toujours pas de témoins. Finalement, et pour éviter de parler d’Hervé, Chantal demanda à Richard de régler la question du témoin. Elle de son côté, s’occuperait de la décoration et de la préparation des demoiselles et garçons d’honneur. Richard prit une décision qui lui pesait sur la conscience : parler à Hervé. Il espérait que ce temps passé loin d’eux lui aura permis de se sortir Chantal de la tête. Il demanda à sa secrétaire d’appeler Hervé et de basculer l’appel sur sa ligne privée.

• Bonjour Directeur
• Bonjour Hervé, comment vastu ?
• Je vais bien, je ne me plains pas trop. Les résultats sont meilleurs plus que prévus. Les cultivateurs se donnent à fond par ici.
• Félicitations ! Tu fais du bon boulot et je savais que tu étais l’homme de la situation. Grâce à toi, nos concurrents qui prenaient le pouls du terrain ont dégagé le plancher.
• Félicitations à toi aussi pour la brillante idée. Et Félicitations aussi pour ton mariage.
• Je voulais justement t’en parler et c’était la raison principale de l’appel.
• Alors j’écoute.
• Je sais que notre dernière discussion ne s’est pas passée en de très bons termes mais je voudrais savoir si tu peux accepter d’être mon témoin de mariage.
• Richard, je t’apprécie beaucoup et je te respecte pour ce que tu es et ce que tu fais. Mais pour être honnête et après ce qui s’est passé, je ne pense pas que cela soit une bonne idée.
• Parce que tu as toujours des sentiments pour Chantal ?
• Il vaut mieux éviter de poser certaines questions surtout quand on ne veut pas écouter certaines réponses.
• Je comprends et je te présente toutes mes excuses pour le dérangement.
• Non, c’est moi qui te présente mes excuses pour avoir foutu notre amitié en l’air.

La discussion venait de prendre fin comme cela. Richard se sentait soulagé. Ce coup de fil en réalité était une façon pour lui de se dédouaner et d’avoir la conscience tranquille même s’il ne devait rien à Hervé. Au fond de lui, il espérait une réponse négative car il ne voulait même pas sentir Hervé dans les parages. Il était sorti déjeuner avec des investisseurs venus du Brésil. Il venait de signer un contrat qui lui permettrait d’augmenter son chiffre d’affaires et d’accroitre son partenariat avec les populations autochtones. Il va étendre le projet entrepris avec Hervé avec d’autres populations. Pour que cela marche, il ferait une augmentation de salaire à Hervé et l’enverra dans un autre coin. Le business avant tout. Mais c’était sans compter sur la surprise qui l’attendait. Il venait de donner les instructions nécessaires au Directeur de l’Administration quand celui-ci lui indiqua qu’il y aura une petite complication.

• Que ditesvous ? Une complication ? De quel ordre ?
• Hervé a envoyé ceci il y a une heure.
• Il s’agit de quoi ? Laissemoi voir.

Richard prit la lettre sur laquelle l’entête de l’entreprise était visible et eut le souffle coupé en lisant l’objet. Hervé venait de démissionner avec effet immédiat en évoquant des raisons personnelles. Il avait des congés acquis non jouis qu’il utilisait comme préavis. Richard était fou de rage.

• Quelles sont ces raisons personnelles ?
• Aucune idée Monsieur le Directeur. J’ai essayé de le joindre sans succès. Je tombe soit sur le répondeur et quand j’essaie au bureau, c’est uniquement la secrétaire qui répond.
• Laissezmoi seul un instant mais trouvez quelqu’un pour le remplacer dans les plus brefs délais.

Richard n’arrivait pas à se concentrer cet après-midi et partit un peu plus tôt que d’habitude. Chantal pouvait sentir son anxiété quand il était rentré et avait bu d’un trait un verre de whisky sec, puis un deuxième et un troisième. Elle l’arrêta net à la quatrième tentative. Il avait déjà les yeux rouges.

• Mon chéri, qu’estce qui ne va pas ? Pourquoi bois-tu autant ? et à pareille heure de la journée ?
• Apparemment les ombres nous suivent tout le temps.
• Que veuxtu dire par là ?
• J’ai demandé à Hervé d’être notre témoin de mariage.
• Et il a dit non c’est cela ?
• Pas juste non. Mais il a aussi démissionné.
• Quoi ? Il a démissionné ? Pour quelle raison ?
• Aucune idée. Il avait juste dit pour des raisons personnelles. Et je crois bien que tu en fais partie.
• Je n’ai pas envie de parler de ces trucs et surtout de lui. Passons à autre chose.
• Tu penses toujours à lui ?
• Pourquoi tu me poses cette question ? Tu n’as pas confiance en mon amour ?
• Si.

Au fond de lui, Richard savait l’effet des anciens amours quand il y avait de la sincérité. Il se rappelait de Jessica ce soir-là dans le bar. Son cœur avait battu si fort qu’il avait eu l’impression d’étouffer. Il avait même eu envie de l’embrasser malgré sa trahison. C’était même pour cette raison qu’il avait tenu à éloigner Hervé de Chantal car tout pouvait renaître entre eux. Et merde, pourquoi n’avait-il pas pu fermer sa bouche ? Voilà que tout était à présent embrouillé dans sa tête. Passer de la certitude de l’amour à l’incertitude d’un sentiment qui s’était installé en parallèle à cet amour, c’était difficile. Ils passèrent la nuit l’un dans les bras de l’autre comme si c’était leur dernière nuit ou comme si quelqu’un voulait les séparer et qu’ils tenaient à rester ensemble vaille que vaille.

Une nouvelle journée venait de se pointer et équivalait à une journée en moins par rapport au mariage. Richard se rendit au bureau et Chantal sortit faire les boutiques pour choisir les fleurs. Elle sortait de la deuxième boutique de fleurs quand elle glissa sur une peau de banane laissée sûrement par un inconscient. Fort heureusement, elle fut retenue par une force par derrière et ne se retrouva pas au sol. Elle reprit son souffle, se remit sur ses deux pieds, et se retourna pour remercier cette main bienveillante quand elle resta pétrifiée comme si elle voyait un fantôme.

• Hervé ?
• Chantal ?
• Que…que…que faistu là ?
• Euh…Je passais juste. Je suis rentré ce matin. Et si tu permets, je te trouve encore plus belle que la dernière fois qu’on s’est vus.
• Hervé, s’il te plait, ne me fais pas cela.
• J’ai appris que tu vas te marier dans moins de deux mois.
• Effectivement. Et que tu as refusé d’être le témoin du mariage.
• Oui. Car je ne pouvais pas supporter cette scène.
• Tu as toujours des sentiments pour moi ?
• Pour être honnête, je ne répondrai pas à cette question. Cependant, je tiens à ce que tu saches que je ne souhaite que ton bonheur. Et ton bonheur, c’est Richard.
• Pourquoi tu me dis tout cela ?
• J’espère juste me faire pardonner pour les sentiments que j’ai ressentis pour toi alors que mon meilleur ami avait déjà les mêmes sentiments pour toi. Va et sois heureuse.

Puis sans dire un mot, il lui tendit un bouquet qu’il avait acheté et disparu dans la foule comme il était apparu. Chantal était bouleversée. Beaucoup de choses lui revenaient dans la tête et elle commença à se poser mille et une questions. Elle était embrouillée et fit un tour à l’église pour prier Dieu. Peut-être trouvera-t-elle la force nécessaire pour discerner ce qui se passait en elle ?

Le soir, Richard rentra et la trouva un peu pâle.

• On dirait que tu as fait la rencontre d’un fantôme. 
• Qu’estce qui te fait dire cela ?
• Tu as l’air pâle et triste alors que tu te maries dans un mois.
• Tu as raison. C’est un sujet dont j’aurais aimé ne jamais discuté avec toi.
• Ah bon ! Quel sujet ?
• Hervé.
• Tu l’as revu c’est ça ?
• Oui.
• Je savais que cela arriverait tôt au tard. Mais pas si vite. Et qu’estce qu’il voulait ?
• Il voulait me souhaiter d’être heureuse avec toi et demander pardon pour le mal qu’il nous avait fait.
• Et toi, comment te senstu ?
• Je ne sais plus trop.
• Tu veux dire que tu as des doutes sur tes sentiments ?
• Je ne sais pas. Serremoi juste dans tes bras et cessons de parler de tout cela. Pensons juste à l’avenir.
• Tu as raison. Allons faire un tour dans le jardin.

Il restait une semaine et les entrainements se multipliaient pour que la cérémonie soit parfaite. La tension aussi était palpable au même rythme que l’excitation dans la maison. La maman de Richard n’avait demandé qu’une seule chose à sa future belle-fille : lui permettre de leur offrir sa robe de mariée.

Il faut reconnaitre que le passé a la tête dure. On essaie souvent d’avancer en faisant comme si de rien n’était. Mais il suffit d’une étincelle pour que tout bascule, d’une vague inattendue pour que le navire chavire. Chantal avait du mal à trouver le sommeil et accusait à cœur ouvert le stress. Mais en réalité, elle ne savait plus vraiment qui elle aimait. Sa rencontre avec Hervé la hantait. Son regard si doux, ses intentions à son égard. Ce sont des choses difficiles à oublier d’autant plus qu’elle avait l’estomac qui remontait dans le ventre à l’idée de ne plus du tout avoir ce confident qu’elle avait et qui désormais quittait sa terre natale pour un exil sentimental. Elle se sentait mal. Mais elle devait continuer sa vie, auprès de Richard. Lui aussi elle l’aimait. Comment cela était-il possible d’aimer deux personnes à la fois ? Non, cela ne pouvait être de l’amour. Elle aime l’un mais avait besoin de l’autre également pour trouver le juste équilibre. Pourquoi la vie sentimentale était si compliquée ? Elle s’était mise à lire des bouquins divers. Il lui restait à peine trois jours et elle devait faire le ménage dans sa tête.

Richard aussi commençait par devenir nerveux. Quelque chose le tracassait et il ne savait pas exactement pourquoi. C’était un homme de patience mais il devenait de plus en plus maladroit. Il était aussi très observateur et insista auprès de Chantal pour avoir une discussion sérieuse avec elle.

• Chantal, je sais que c’est compliqué ce que nous vivons actuellement mais j’ai quelque chose qui me pèse sur les épaules et j’ai bien envie de m’en débarrasser.
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• Au nom des pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare Mari et Femme. Vous pouvez vous embrasser.

Richard et Chantal se fendirent d’un tendre et long baiser. Ils venaient de se marier, un choix difficile car chacun d’eux savait qu’il y avait, cachés quelque part au fond, l’incertitude et l’espoir qui faisaient chemin ensemble.

*FIN*

Vous avez sans doute remarqué qu’une partie de l’histoire manque. C’est fait intentionnellement et sera disponible uniquement à l’édition du document sous forme de livre. Merci de votre soutien et de l’intérêt que vous avez porté à ce récit qui montre un peu la complexité des sentiments, des relations que nous avons et des choix difficiles que les couples font au jour le jour. La vie sentimentale est un long fleuve qui parait calme à la surface mais trouble au fond. Merci